Charlotte

Bien sûr, je n’ai pas compris tout de suite la teneur de son Travail.

Tantôt douce et riante, le lendemain parée d’un lourd manteau de colère, elle me ramenait à l’enfance insécure et aux états instables, aléatoires et imprévisibles de ma mère. Bien malin qui aurait pu dire de quel côté allait tomber la foudre.

Pourtant, je sentais déjà dans mon cœur que ma présence était juste. Pourtant, au fond de moi, au rythme de ses coups de sang, mon âme dansait.

Ce qu’elle donne en travail peut être âpre comme un vent impitoyable qui abrase tout sur son passage, comme un feu qui ravage inexorablement chaque centimètre de broussaille. Dur et tranchant, à en douter, parfois.

Et puis, un jour, après être moi-même passée sous son souffle brûlant,  j’ai compris comme ce brasier était créateur.

Ma’am ne nous traite jamais autrement que comme nous nous traitons nous-mêmes sans que nous le reconnaissions jamais.

NOUS nous abrasons impitoyablement, NOUS nous ravageons inexorablement. Chez elle n’est aussi fort que sa puissance d’amour pour nous offrir sans état d’âme ce miroir, sans faille cette vérité : voilà ce que tu te fais à toi-même, jour après jour. Veux-tu vraiment continuer ?

C’est lorsque j’ai entendu ce cri venu de ses entrailles, venu de plus loin peut-être, que j’ai senti à quel point cet amour était infini. Férocité et Amour sont chez elle enlacés l’un à l’autre de manière inextricable. C’est son unique travail face à notre petite humanité qui s’aime si mal avec tant d’endurance.

D’ateliers en ateliers, le besoin d’être reconnue, le désir de briller à ses yeux, la peur de ne pas être assez, la honte de moi, tout cela se décolle comme des couches de papiers peints sous les  vibrations des tambours, de sa voix puissante et de son rire aimant.

D’ateliers en ateliers, je retrouve le simple fait de vivre sans justification, sans autre nécessité que de remercier de cette vie et d’en jouir par tous les pores de ma peau. C’est un chemin, le travail est toujours à l’œuvre, mais je mesure de mois en mois la distance vertigineuse qui a été parcourue.

J’ai choisi la voie sans concession de Ma’Am car j’ai fait le vœu, je crois bien avant ma naissance, de me rappeler qui je suis réellement ; ma vie est maintenant, il n’y a vraiment pas de temps à perdre.

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